mardi 31 janvier 2017

Travailler plus

 J'ai failli m'étouffer
avec Tanea
quand l'air de rien
tout en coupant son taro
il m'assure
qu'ils ne peuvent pas 
faire QUE ça
QUE du taro.
Non, il faut travailler plus
dit-il
en ajoutant
"Il l'a bien dit, monsieur Sakouzi! Faut travailler plus!"
Et il s'étrangle de rire.
Travailler plus
une évidence ici
si l'on veut pouvoir manger.
Mais pas que.
Pour gagner plus aussi.
" à cause de ça"
dit Tanea
en regardant l'ampoule électrique
au-dessus de sa tête.
Payer des choses
qui n'existaient pas 
avant
pas très longtemps
auparavant.
Ecoutez-le rire. 
Mais pas que. 
Dans "Instantanés du monde dans les tarodières des Australes" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie©Anne Bonneau


lundi 30 janvier 2017

Indispensables accessoires

A Mac Leod Ganj
dans l'Himachal Pradesh en Inde
on croise des moines et des nonnes à tous les coins de rue.
Je ne connais pas Rome
ni même Lourdes
et pas plus Lhassa ou Jérusalem
bref
pour moi
Mac Leod Ganj est l'endroit au monde où l'on trouve le plus de religieux au mètre carré.
Rouge (bordeaux, pourpre, c'est selon le nombre des années et l'intensité des saisons) et safran, ce sont les couleurs qu'il FAUT porter là-bas, pour être dans le ton.
Mais aussi, quelques accessoires
Le parapluie
de juillet à octobre
L'état de la rue (oui, c'est la rue de la ville, pas un chemin de traverse dans les hauts!)  que vous voyez ci-dessus est le résultat direct de ce qu'offre le ciel chaque année en bénédiction.
et la lampe torche
ladite rue n'étant pas forcément éclairée le soir
en fait
n'étant jamais éclairée le soir
s'agirait pas de buter sur  une mangouste...
Vous saurez tout, sur la mode à Mac Leod Ganj
enfin je veux dire
ce que portent les moines
dans Instantanés du Monde à Mac Leod Ganj
Photographie©Anne Bonneau

Cadran solaire

Ils viennent ici à quatre heures
le matin.
il fait encore nuit
ils portent une lampe frontale
et bossent
jusqu'à ce que le soleil descende
d'abord sur la montagne
sur la cime des palmiers
et quand il menace d'atteindre
la plantation de taro
hop
ils filent.
"ça tape trop!"
Il est alors
six heures et demi
l'heure d'aller prendre le café
et de s'occuper des cochons
avant la pêche
C'est dur?
"Non, on travaille entre copains. et c'est beau tout autour. On peut regarder les taros pousser."
Ecoutez ces jeunes gens
calés sur le soleil
dans "Instantanés du monde, dans les tarodières des Australes" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie©Anne Bonneau

Terrains de jeux


ça
c'est l'hippodrome de Tubuai.
Eh oui
comme je vous le dis.
C'est là
qu'ont lieu les courses hippiques
et aussi
les entraînements.
On attend l'heure
la marée basse
qui laisse quelques mètres libres
entre l'eau
et les filaos.
et on y va
à fond.
Y'a pas grand monde non plus
sur le sable
alors
ça passe.
D'autres m'ont avoué
qu'ils aimaient bien aussi
s’entraîner
sur une ligne droite.
Y'en n'a qu'une, à Tubuai.
La piste d’atterrissage.
Y'a pas grands vols non plus
sur le tarmac.
Mais là
ça passe pas toujours!
Photographie©Anne Bonneau

dimanche 29 janvier 2017

Oh mon taro ooooooh!

J'aurais pu rester des heures
dans les tarodières
rien que pour la beauté
des feuilles
quand une rafale de vent
les transforment en océan.
J'aurais pu rester des heures
pour voir les gouttes de pluie
des averses brèves
rouler en mercure
et rebondir au creux.
J'aurais pu rester des heures
pour écouter le son de nappe
que l'on secoue
quand elles s'égouttent
avec l'écho
des feuilles de bananiers
derrière
et les abeilles
sur les nénuphars
des petits canaux
coulant doux
entre les herbes grasses.
Jusqu'à ce qu'un gars se pointe
avec sa débroussailleuse.
Bon
faut bien y aller, hein,
Ecoutez les tarodières vous parler 
dans "Instantanés du monde dans les tarodières des Australes" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie©Anne Bonneau

samedi 28 janvier 2017

Un truc de fille?


Il n'y avait pas beaucoup de filles
dans les tarodières
que j'ai traversées.
Et d'ailleurs
il suffisait que je dise
"ah, ce matin à cinq heures, j'étais dans la tarodière"
pour qu'on ouvre des yeux ronds
style
que j'aurais pu y croiser le loup.
Apparemment c'est pas bien
pas un truc de fille.
Bon.
J'y ai croisé de tout
pas le loup 
mais
un chien jaune
qui n'aboie pas ( pas bon pour le son) 
et mord direct (pas bon tout court)
dixit son maître
qui par chance
n'était pas loin.
Des gars de tout âge
et de tous gabarits
des jeunes
des vieux
et Tehei.
Une fille    
et même une belle fille
qui ne s'en laisse pas conter
et bosse
aussi
aux côté de son père
dans la tarodière.
"Quand on n'a pas fait assez de garçons, ça finit comme ça : les filles nous aident, à la tarodière"
Ecoutez-les tous évoquer "la tarodière"
c'est un monde
dans "Instantanés du monde, dans les tarodières des Australes" (cliquez ici pour trouver l'émission)
Photographie©Anne Bonneau

vendredi 27 janvier 2017

Petit exercice matinal

Ils viennent avant le café
à quatre heures du mat'
et font leur "sport"
en plein air.
Donnez-leur une bêche
une acre de terre lourde
gorgée d'eau
et ils s'éreintent.
Enfin non
ils entretiennent leur forme
dans les champs
de taro.
Je ne sais pas si c'est parce que je suis là
à les regarder
qu'ils optent pour une telle cadence
et que d'habitude
ils la jouent plutôt
tranquillou.
Allez savoir.
En tout cas
ils soufflent comme des locomotives
entre les questions
que je leur pose
et avouent
qu'ils n'ont pas besoin de pirogue
-le sport national-
pour s'entretenir.
Ecoutez-les, dans "Instantanés du monde dans les tarodières des Australes" (cliquez ici pour entendre l'émission)
Photographie©Anne Bonneau

Courir après le vent

J'ai fait le tour de l'île
en vélo
-une heure-
avec le vent 
trop souvent 
face à moi
un vent
des Australes...
J'ai fait le tour de l'île
le regard
rivé aux plages
- y'a pire comme vision, je vous l'accorde-
avant
de les trouver.
Eux.
Ces dingues
qui disparaissent fissa
dès qu'un cheval
leur glisse
sous le derrière.
On dirait qu'ils ne savent faire que ça
les chevaux
ici
courir
dès qu'ils sentent
une fesse
sur leur dos nu.
Eux
les dingues de chevaux
et de course
s'en délectent.
Photographie©Anne Bonneau

mercredi 25 janvier 2017

Le cheval qui murmurait à l'oreille du garçon

Il faut que j'insiste
pour que Sandrino veuille bien
me présenter sa belle.
Sa Belle, devrais-je dire.
"Tu veux aller dans la brousse?"
Ben oui, ça me dérange pas moi
le gars est incrédule
ça va
je veux juste
discuter avec lui
et si possible
dans un lieu
où il est à l'aise.
Un lieu qu'il aime.
Alors on traverse la friche
et dans l'ombre du burao
Belle est là.
Sandrino n'aime pas trop parler
mais entre les silences
peuplés de tendresses
avec sa jument
il laisse couler
des flots
de sa vie
et de cette relation
passionnelle
qu'il a
avec cet animal.
Photographie©Anne Bonneau

lundi 23 janvier 2017

De prés salés


Mais non c'est pas parce qu'on les mange
tels des agneaux
de prés salés
ces beaux animaux
non non non
on ne les mange pas
les chevaux
ici
sur l'île de Tubuai.
C'est ce que m'ont dit
les jeunes
passionnés
de chevaux.
En revanche
ils servent
à des tas de trucs.
Ils servent de 4X4
pour aller en montagne
de camion
pour porter des bois
de canot
pour passer la rivière
et aussi
d'ange gardien
"Quand tu rentres après ta petite bringue, tu montes dessus, et il te ramène tout seul à la maison! Mieux qu'un vélo!"
dixit
un de ces jeunes gars
qui aiment tant 
les chevaux...
Photographie©Anne Bonneau

vendredi 20 janvier 2017

Vive comme le vent

Naina est un feu follet 
sans-doute une des plus jeunes
de ce groupe de huit femmes
couvreuses
habilleuses de toits
dans le Kutch. 
Naina est vive
rapide
drôle
et futée
elle m'appelle, dès que Souman se met en cuisine : "sound! sound!"
ravie de me faire tout entendre
durant les interviews, quand tout le monde parle à la fois
elle donne des numéros
et demande aux filles de dire leur nom
avant de prendre la parole
et tout ça
avec ce sourire merveilleux
qui ne la quitte pas.
Au bout d'une journée 
tout le monde l'appelle "l’assistante d'Anne"
Alors, elle sourit.
Photographie © Anne Bonneau

mercredi 18 janvier 2017

Chapeau d'paille

C'est son métier à Maddhu Bahan
faire des chapeaux de paille
pour les maisons
une solution traditionnelle
dans une contrée où la terre tremble
où les vents s'amusent à s'enrouler en tornades
où la pluie boude
durant des mois
voire, des années...
Bref, le chapeau idéal
l'activité rêvée
pour ces femmes
actives
ces femmes 
fortes
ces femmes
indépendantes
un métier simple
et efficace.
Et dangereux aussi
Naina parle de la peur de tomber
de la peur des incendies
de la peur des serpents
qui aiment la paille
Maddhu ajoute, la peur des hommes
qui boivent, le soir
qui vivent là aussi
loin du monde
se rapprochant des chantiers de ces femmes
actives
fortes
et néanmoins fragiles.
Photographie © Anne Bonneau

lundi 16 janvier 2017

Eh bien, chantez maintenant!


ça commence comme ça 
en décortiquant les dattes 
il y en a une qui lance un air 
que les autres reprennent illico
et ça se poursuit 
crescendo 
on enchaîne 
une chanson 
une autre 
Babi Bahan et Maddhu Bahan sont les stars 
les plus jeunes en redemandent
en dansant.
Oubliés les cals
les gerçures 
les disputes 
la fatigue 
et quand les chants cessent 
les rires crépitent en écho
car enfin, 
entendre sa voix 
pour la première fois
ne laisse jamais indifférent...
Photographie © Anne Bonneau

jeudi 12 janvier 2017

la vie parallèle

Tout le monde était très occupé 
à montrer ce que chacune sait faire 
à expliquer depuis quand
comment
et autre pourquoi
et lui
il faisait sa vie
en marge de cette excitation.
Un vieil homme 
veillant sur le champ de ricin
sur les trois vaches
vivant ici
sous l'arbre de la cour
où il tire son lit de corde
dépliant son turban
le posant sur son visage 
et ignorant fissa le reste du monde 
plongé dans une sieste
que ne tourmentent
ni les rires des femmes
ni leurs chants
Photographie © Anne Bonneau

mardi 10 janvier 2017

chantiers de ville, chantiers de champs


Elle sont huit femmes 
vivant dans ce chantier de construction 
loin 
loin des villes 
loin des villages 
dans les collines du Kutch 
elles couvrent 
le toit d'une ferme 
un chantier qu'elles sont fières d'avoir obtenu 
et qui les attache là,
durant quelques semaines
loin des villes 
loin des villages 
liées à la course du jour 
débutant dès potron-minet 
redescendant à la nuit tombée 
avec ces pauses 
le thé 
un repas 
notre visite qui les enchante 
aujourd'hui, elles passeront plus de temps sur la terre 
qu'accrochées aux rafales de vent.
Photographie © Anne Bonneau

lundi 9 janvier 2017

Bye bye Chettinad

Cela fait vingt ans
que j'ai entendu parler
pour la première fois
du Chettinad
vingt ans
exactement
et bien-sûr, je me suis dit
Il FAUT  que j'aille voir!
Alors vingt ans après
quand j'ai songé à nouveau
ou quand cela m'est remonté aux couches supérieures du cerveau
j'ai douté...
bon sang
vingt ans
tout doit avoir changé!
Ben non
pas vraiment
encore une fois
on dirait
que le monde m'a attendu
en tout cas qu'il est resté
comme je l'avais rêvé...
Que puis-je dire de plus?
Allez!
Photographie©Anne Bonneau

vendredi 6 janvier 2017

Le plastique, c'est chic


 Elles tressent, toute la journée
des lamelles de feuilles de palmier teintées 
pour en faire des petits paniers
qu'on utilisait autrefois
pour stocker le riz
les grains
le tamarin
pour rapporter du temple
les offrandes 
de fleurs
et de fruits
et puis aussi
pour aller au marché.
Aujourd'hui?
Terminé!
elles tressent
pour le marché local
des paniers
en plastique
c'est beaucoup plus chic
"Et beaucoup plus solide" dit l'un d'elle
Alors quoi, ces paniers qui leur sortent des doigts, c'est pour qui?
pour l'étranger
"Je ne sais pas ce qu'il en font, de ces paniers, à l'étranger!"
Photographie©Anne Bonneau

mercredi 4 janvier 2017

Chou blanc



Je voulais les rencontrer 
ces artisans qui fabriquent
ces paniers si particuliers
carrés
fermés d'un couvercle
en feuilles de palmiers.
Facile
je vais au marché
je vois les vendeurs
qui sont aussi, les fabricants
et hop, Johnson prend leurs coordonnées
c'est à dire
le nom de leur village
ou du village le plus proche de leur hameau
et ensuite, une vague indication
pour arriver jusque chez eux
et surtout leur numéro de portable.
Et un jour
convenu avec eux
on y  va.
Et on trouve
à force de se perdre
Ah ben oui mais là
il y a une fête
religieuse
forcément
qu'on avait oublié
forcément
et tout le monde est parti
donner un coup de main
dans le village voisin
ne reste ici
qu'une poignée de gamins
qui s'égayent et s’envolent comme des moineaux
à nous voir
nous
et nos têtes d'avoir fait chou blanc.
Au fait, on en a trouvé
plus tard 
de ces vanniers
Photographie©Anne Bonneau

lundi 2 janvier 2017

L'art des apparences

L'atelier de sculpture regorge d'artisans. 
Une affaire qui marche. 
Posez la question au patron
et il vous répondra qu'ils font
des portes
des portes
et
des portes.
Comme leurs ancêtres faisaient celles des palais Chettiar
trrrrrrrrès ornementées
trop?
Affaire de goût.
Quoiqu'il en soit aujourd'hui
on ne construit plus guère de palais
mais on sculpte toujours des portes
pour les augustes demeures
les modestes chaumières
ou les sweet home de bric et de broc
Parce qu'attention, s'agirait pas de mégoter sur la porte
signe extérieur de richesse
Michel Adment parle plus joliment de " valeur symbolique", dans
"Instantanés du monde à Athangudi"
Photographie©Anne Bonneau